Lydie Régnier

Lydie Régnier
Se confondre exactement

exposition du 19 mars au 13 avril 2013

 

Le sommeil des moutons (l’animal bleu-vert), 2011, dessin aux crayons de couleur sur impression numérique, 23×17 cm
Epicentre 1, 2010, encre sur papier aquarelle, 120×120 cm
Retour à la terre élevée, 2012, céramique, bois 80×150 cm
Pilot II, 2013, stylo Pilot, papier aquarelle,     100×170 cm

C’est exactement dans ce lieu que je trouve le plaisir de me confondre une fois de plus avec le parcours innovant de LYDIE REGNIER. Déjà il y a quelques années, elle était intervenue directement dans la vitrine de cette galerie, que je retrouve investie par cette flottaison de sculptures en céramique. Ces formes brillamment mais troublement colorées, posées sur l’instabilité de leurs courbes, me confondent en me laissant glisser mentalement sur la planéité de ces surfaces qui les couvrent, tout en les décapitant brutalement. La porte franchie je découvre, vue de l’intérieur, des images photographiques qui deviennent sur ces sensuelles formes, de véritables îlots qui peuvent m’évoquer des miroirs. Le glissant de ces images met en lumière des terrains aquatiques, exactement surplombés ici, par ce haut pavé… à quai.

« Le terrain de mes recherches se définit par la constitution d’un environnement, tendu entre naturel et construit. Elles se développent dans un jeu de gestes confrontés à des matériaux qui relient dessin, photographie, peinture et volume. » écrit Lydie qui par cette affirmation me confond maintenant devant son « Epicentre 1 », placé exactement face à la porte d’entrée. Cette encre sur papier s’ouvre sur le vide, mais contradictoirement me fait buter sur la fermeture d’une perspective. C’est une grille/store qui me conduit jusqu’à la barrière d’un mur pignon, coiffé du triangle traditionnel de sa structure, en accord et aussi en contradiction avec la diagonale de cette composition. Pourtant mon regard m’implique dans une contestation sensible de cet espace rigoureux, en y lisant paradoxalement l’exact déséquilibre qui heureusement me confond. Au sol, des ombres portées deviennent de tremblants supports qui naissent d’un monde végétal, repoussé par le trouble d’un surréaliste décor scénique. Cela confond mon imaginaire pour théâtraliser mon impression… après en avoir tiré le rideau.

« Dans cette diversité de formes, je cherche à provoquer une circulation du regard en impliquant physiquement le spectateur. » Une fois de plus j’aime me confondre en accord exact avec l’artiste, en circulant dans l’espace pour retrouver un grand dessin: « Epicentre 4 »  accroché sur le mur perpendiculaire à la façade. Une grande diagonale en flottaison m’éloigne de cette vitrine pour me faire naviguer sur la pâleur d’un ciel nuageux. Des structures architecturales de couleur ocre/vert et brun basculent, tout en étant tenues, ou contradictoirement, fragilisées par le dessin d’un grillage, qui n’est pourtant que le retour graphique de la virginité du support papier. Cette magistrale confusion finit exactement par s’envoler (où se raccrocher) aux mouvances des collines montagneuses qui jouent de déambulations en respirations de couleurs vert de gris. A moi d’avoir le souffle… coupé.

Me confondre exactement avec cette coupe de l’espace me place maintenant devant un grand dessin, confondant sa verticalité à celle du mur/panneau porteur. « Pilote II » inscrit au stylo bille une gestualité interne comme externe, qui répond à la fermeture et à l’ouverture des sculptures découvertes en vitrine. C’est un pilotage dans l’espace qui sait s’enrouler sur lui-même tout en enroulant le vide à découvrir, comme j’ai pu imaginer l’intérieur de ces céramiques tronquées par l’image photographique. Tout est pourtant blanc dans l’impossibilité de voir, mais net de tout rêve… à venir.

C’est alors, après avoir dépassé cette cloison porteuse, que j’imagine au dos de la première qui porte « Epicentre I » à la perspective fermée,  un autre « Pilote  » à venir que j’ose soupçonner de répondre à l’image qui lui tourne le dos. Lors de ma visite en atelier il n’était pas encore né, mais Lydie continue ses recherches qui impliquent « que les formes apparaissent progressivement, sans anticipation de résultat et en laissant une part de hasard. » Sans exactitude je suis confondu… à une réussite.

Tout en attendant avec envie l’impression d’une découverte à venir, je prévois l’alignement sur le mur du fond d’une série de dessins sur photos, confondus par le titre: « Le sommeil des moutons ». Une suite de paysages pierreux qui intègre des allusions à des figures humaines en attitudes sportives, complètement associées à cette accumulation minérale. Un « marcheur » semble naître du sol tout en se confondant paradoxalement encore avec le flou de la colline dont la voûte  sombre se creuse. Pourtant l’arrête s’éclaircit en suivant le bras de cette silhouette. Le dos s’assombrit mais ne se creuse pas, tout en affirmant un parallélisme tracé avec exactitude.

Au milieu d’une autre image, la partie inférieure de la silhouette joue le jeu d’un reflet dans un miroir marin, alors qu’il s’agit d’un terrain caillouteux. Ceci peut ainsi creuser le sol en accentuant sa profonde origine. Cette série, comme le signale l’artiste « pourrait s’apparenter à un jeu d’équilibre dans lequel les rapports entre formes, fonds, surfaces, juxtapositions et recouvrements, sont au service d’un lieu de coïncidence. » La dernière œuvre isolée des autres s’apparente à un combat gestuel, continuellement flou et difficile à définir. Il est intégré fondamentalement à la confusion nuageuse de cette montagne, pourtant très accidentée. Serait-elle en train de …. s’auto-combattre?

Maintenant mon parcours visuel tourne à angle droit sur le mur latéral qui me fait retrouver un carré avec « Epicentre 5 ». Encore une fois une diagonale construite exactement avec un mur blanchâtre, qui ose perdre quelques pierres qui s’envolent, navigue étonnamment en suspension au-dessus d’un ciel embrumé sans pourtant s’y confondre. Victor Hugo disait dans sa préface de « Odes et ballades » : « il faut bien se garder de confondre l’ordre et la régularité ». Cet ordre en envol m’invite à suivre ce chemin tracé en prairie, en direction de rochers très arides qui auraient pu être utilisés à l’origine de la carrière, lieu de naissance de ces pavés/pierres flottantes. Ces roches sont exactement confondues au tracé scandé de diagonales d’averses qui cisaillent le ciel en l’associant aux plantations situées à gauche. Sans confondre, je regarde à droite pour m’aligner sur des ratissages horizontaux.

Mon parcours dans cette exposition serait-il en surface… ou en profondes interrogations ?

Pour terminer cette visite en confondant  cette déambulation aux étapes de contemplation, j’aime suivre maintenant la série de petits  dessins baptisés: « Petits pilots » qui vont exactement confondre ordre et désordre au fond de leurs cadres/boîtes. Chaque fois le dessin est isolé sur le support, tout en me laissant deviner sa prise en compte de l’espace. Ce dernier tracé me conduit vers le point de départ de ma visite imaginaire. Elle ne peut se confondre avec l’exactitude d’une découverte d’un parcours inventif au cœur d’un lieu de création, investi par LYDIE REGNIER qui offre à tous le bonheur de SE CONFONDRE EXACTEMENT.

Bernard Point, février 2013

JEAN BONICHON

JEAN BONICHON
Un pas de côté

Exposition du 5 février au 2 mars 2013

Le Banc

Comme si je voulais construire une maison en commençant par les plans, les murs, le toit, la cave, les huisseries, l’aménagement, la déco et le jardin en même temps, je n’ai de cesse d’entamer des chantiers.Suivant la saison, les matériaux, le temps et l’espace, j’agence une forme plastique qui s’étire et revient sur elle même.Je me consacre à la construction et à la sculpture : trois briques pour caler ce mur, six tôles sur le toit, un chauffe-eau pour la baignoire… Et soudain mon esprit chercheur va divaguer pour trouver quelques concepts, quelques vidéos et photographies : optimiser la rampe d’entrée, gérer un dégât des eaux, trouver l’électroménager adéquat …C’est par peur de l’ennui que je reste à l’affût d’un neuf exaltant ou que je n’hésite pas à me replonger dans un ancien chantier délaissé un temps.Les choses roulent ou trébuchent dans toutes directions pour mieux s’entrechoquer.Aussi protéiformes que ma pratique, les sujets traités tournent finale-ment bien en rond : une logique propre poussée à l’extrême, un décalage empreint d’absurde, des combinai-sons incongrues, le goût pour les actions vaines et sincères, pléthore d’images poétiques chargées d’un trait d’esprit tordu forment les chemins qui mènent chez moi, to my home sweet home, ouverte aux quatre vents.Le corps dégingandé et l’esprit alerte marchent de concert : les mains réalisent soigneusement l’idée retournée, la voix se prête aux emballements sonores, les yeux scrutent des espaces en attente d’une proposition mélancolique, le cerveau éveillé par la mécanique des jambes cherche la petite Histoire.Entre archéologie et travail du bâtiment, je fouille et j’échafaude, une manière d’enterrer et de démolir pour mieux chercher et reconstruire.Il pleut dans ma cuisine et ma maison ne sera jamais fini.

la grande piscine

 
 

Tête de trogne

Tête de trogne