MATHILDE ROUSSEL

MATHILDE ROUSSEL
CUIRASSES

Exposition du 31 mars au 25 avril 2015
Vernissage mardi 31 mars de 18h à 21h

Commissariat de Gaëlle Porte

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Peau #1, 2013, caoutchouc incisé, graphite, fil de lin, clous, 350 x 250 x 10 cm

 

Pour sa première exposition personnelle à Paris, Mathilde Roussel est accueillie par l’espace du Haut Pavé qui a pour vocation de faire découvrir le travail d’artistes émergents. L’exposition Cuirasse présente un ensemble d’œuvres qui évoquent la peau, à la fois armure forte et protectrice, et épiderme délicat et sensoriel. A travers une exploration presque scientifique de la matière, la plasticienne interroge notre rapport à la gravité, notre relation au corps, ainsi que notre lien à la mort.

Ses sculptures Resilience en pulpe de papier sont suspendues à des structures métalliques. Leurs formes embryonnaires rappellent celles des muscles des culturistes qui s’entrainent pour modeler leur corps. Alors qu’elle examine des livres de bodybuilding pour déterminer son vocabulaire de formes, Mathilde Roussel s’intéresse à la fascination humaine pour le perfectionnement physique. Pour poursuivre son étude de l’esthétisation des corps qui obsède notre société, elle teinte le papier avec des protéines sportives en poudre qu’elle utilise pour ses découpages. Elle donne ainsi à ces fragments de papier une texture cuivrée de chaire pure mise à nue. Le contraste entre l’artificiel et le naturel est omniprésent dans le travail de Mathilde Roussel, c’est dans cet équilibre paradoxal qu’elle retranscrit habilement le mystère du vivant.

Son œuvre Peau #1 en graphite et caoutchouc noir recyclé rappelle à la fois la douceur de la peau et la texture d’un objet futuriste et hybride. Cette pièce monumentale est suspendue au mur telle une peau de bête. Pulsion de vie et pulsion de mort traversent l’ensemble de l’œuvre de Mathilde Roussel. On retrouve cette idée de manière très distincte dans les sculptures Resilience que l’on peut comparer à la fois à des acrobates de cirque se balançant joyeusement à leur trapèze, et à l’opposé, à des dépouilles pendues chez un boucher.

Mathilde Roussel évoque le caractère éphémère de notre passage sur terre grâce aux matériaux organiques qu’elle utilise et qui évoluent sans cesse à travers le temps. Ainsi, sa pulpe de papier s’assèche et craque, comme notre peau se ride avec l’âge. L’artiste parle souvent de fossilisation lorsqu’elle fait référence à son travail, ses œuvres peuvent en effet nous apparaitre comme la pétrification de nos mémoires accumulées. Ce sont des formes de carapaces érigées pour nous aider à surpasser la dureté de la vie.

Gaëlle Porte

Resilience, niveau I, 2014, aquarelle sur papier, collage, 50 x 65 cm
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Resilience, niveau I, 2014, pulpe de papier, colle, fil de fer, tube de métal, cable, 150 x 60 x 40 cm

 

CELINE MEYNIER

CELINE MEYNIER
LES PRÉSENTES

Exposition du 3 au 28 mars 2015
Vernissage mardi 3 mars de 18h à 21h

Cécile Meynier / Atelier

W – 2014, mélaminé, sapin

Califormication ou Notes du fabricant

Le travail de Cécile Meynier se construit à partir de matériaux simples, les matériaux de la construction et de l’habitat populaire. Parpaings, tasseaux, placo, formica et crépis s’articulent dans les gestes généreux et précis de l’artiste pour ériger un nouvel art de vivre. Fixer les différentes facettes du monde, restituer ses paysages, proches ou lointains, ruraux ou urbains, les ombres des êtres qui les occupent, anonymes ou amis, rencontres de passage, dans différents types d’intérieurs et d’environnements.

Cécile Meynier a longtemps créé des atmosphères à travers les mises en scène de ses expositions et les différentes sculptures/maquettes, espaces dans l’espace, aux couleurs souvent criardes ou blafardes qu’elle fabrique.

Aujourd’hui, ses œuvres tentent d’articuler une réflexion qui mélange les matériaux, le « grand » art et un certain désir d’exotisme. Les objets s’autonomisent, ils jouent et se jouent de l’espace. Les formes conservent une infinie liberté mais elles dialoguent de plus en plus clairement avec l’histoire du dessin, de la peinture et de la sculpture.

Coloriste affirmée, l’artiste n’oublie pas ses teintes fétiches, les dorés de pacotille, les jaunes vifs, les lumières des néons, mais elle introduit des tonalités plus douces. Elle teinte les crépis dans la masse distillant une subtile ambiguïté entre la peinture ancienne et la peinture industrielle. Les différences de grains, les effets poudreux renvoient tout autant aux plus belles fresques de la renaissance toscane qu’aux grands noms de la sculpture contemporaine. Les formes géométriques prennent parfois des allures totémiques, le mélange entre les céramiques, souvent clinquantes, à l’émail brillant, les sculptures aux veines et marbrures baroques, la douceur de certaines terres et pigments, révèlent le désir du voyage que l’artiste entreprend, de l’Europe de l’est à l’Afrique, mais aussi dans l’histoire des formes.

Ainsi ces paravents, faits de panneaux d’aggloméré et de formica, qui accueillent et enserrent de subtils dessins. Ces frottages réalisés au graphite ou à la mine de plomb donnent une préciosité insoupçonnée aux matériaux simples que l’artiste utilise. Ils leur confèrent même une certaine religiosité.

Au premier regard, ces objets convoquent un art plutôt contemporain, dans le prolongement du mélange des réflexions d’un certain art minimal et conceptuel autour de la peinture et de la sculpture, mais il n’en est rien. Ils sont comme des retables dont les portes s’ouvrent vers la contemplation humaine et actuelle d’une artiste d’aujourd’hui, consciente de l’histoire dans laquelle elle s’inscrit, curieuse des autres, et ouverte au monde. Un monde dont l’univers se nourrit tout autant des enduits des maisons hongroises que de la sculpture marocaine, des apprêts gras et dégoulinant d’une discothèque de campagne que du sang qui coule dans les artères d’un marbre de Carrare, d’une plante verte sur une étagère ou d’une peinture monochrome. Un monde qui se donne ainsi la possibilité d’envisager de nouvelles définitions du sacré.

Alexandre Rolla

www.cecilemeynier.com

Cécile Meynier / Atelier

 Rampe – 2014, cailloux, plâtre teinté, médium
Cécile Meynier's objects of art
Podium – 2014, bois, moquette, plâtre, cailloux

 

ANNE HOUEL

Carte Blanche à François Pourtaud :

ANNE HOUEL
(RE)CONSTRUCTIONS 

Exposition du 3 au 14 Février 2015
Vernissage mardi 3 février de 18h à 21h

Mise à jour 3, blanc de meudon, 370x280 cm, 2014 ©Laurent Ardhuin

 

Archéologue de l’invisible, Anne Houel nous fait voyager sur les traces de l’oubli.

Elle nous invite à redécouvrir l’histoire, ses histoires.

Dans ses « Mises à jour », dessins au blanc de Meudon, qu’elle effectue sur les vitres de ses espaces d’exposition et qu’elle travaille comme des cartes à gratter, Anne Houel œuvre délicatement à faire surgir par des vides le sujet de sa préoccupation. Ici Mise à jour 12 révèle les façades de l’ancien quartier Beaubourg, dont celles qui ont servies de support pour la percée de deux bâtiments « Conical Intersect » intervention de Gordon Matta-Clark pour la biennale de Paris en 1975. Ré-apparition intemporelle et éphémère qui s’effacera à la fin de l’exposition.

Cette précarité se prolonge dans les « Mises aux normes » avec l’utilisation des fragments résiduels recomposés auxquels sont attribués une nouvelle vie. Pour Re-construction, elle nous conduit en quête d’architectures souvent ignorées mais demeurant « mémoire vivante ». Elle scrute les formes et le vide. Elle joue avec les volumes construisant comme des jeux de cubes, des architectures fragiles et instables à la limite ambiguës et provocantes.
Dans Dérive, c’est une archéologie livresque ou documentaire qui nous est dévoilée. Les pages ne peuvent être consultées ni tournées car elles sont fouillées, creusées, comme des strates pour mieux en percer l’essence. Anne Houel revendique dans son travail « le constat d’une mémoire, matérielle, physique et mentale ». Comme si comprendre n’était pas suffisant. Elle fait remonter en surface, cette présence effacée par le temps que sont les secrets de l’oubli.François Pourtaud

www.annehouel.com

 

Cultures #2, acier, verre, gravats, néons, 200x400x240 cm, espace public Caen, 2014, mécénat IP2Didier Webre ©Anne Houel
Cultures #2, acier, verre, gravats, néons, 200x400x240cm, espace public Caen, 2014, mécénat IP2/Didier Webre  ©Anne Houel
Dérive, intervention sur l’encyclopédie Life autour du monde, 700x32 cm, 2014 ©Anne HouelDérive, intervention sur l’encyclopédie Life autour du monde, 700×32 cm, 2014 ©Anne Houel

LAURENCE NICOLA

LAURENCE NICOLA
SE REJOINDRE


Exposition du 6 au 31 janvier 2015
Vernissage mardi 6 janvier 2015 de 18h à 21h

 

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Divaguer, 2014, encre de chine, papier mûrier, 0,45x25m

 

Que reste t-il des fragments racontés par ces paysages qui captent la vue ? Happé, le corps immobile, le souffle se fait plus présent puis le geste accompagne un regard sous la fulgurance d’un éclair qui tente de se libérer d’un brouillage épineux. Si l’on s’attache aux tonalités retrouvées par Laurence Nicola, on y découvre la posture d’un alchimiste amoureux. Ses mains jouent d’un lyrisme affuté en composant les premières notes d’une symphonie où la brutalité de la matière creuse les traits d’un inconnu, d’une ombre, cet autre.En soudant les formes, Laurence Nicola expérimente, rassemble et confronte les éléments choisis pour apporter de la chair au squelette de sa pièce. Comment mieux donner du relief à ces objets qu’en choisissant d’y laisser ses traces, certes invisibles, mais encore brûlantes de désirs sur les contradictions qui cultivent nos émotions.
Dans Collection, l’assemblage des objets trouvés et fabriqués répondent à la convoitise, presque obsessionnelle, de capturer des souvenirs et de les tresser à d’autres comme autant d’équations et de doutes possibles sur cette relation à deux. Une bibliothèque de songes dans laquelle les muscles de béton cristallisent les lignes délicates du papier moulé et de l’empreinte en porcelaine. Bien plus qu’un cabinet minimal sur l’objet, cette mosaïque de formes déborde de sensualité laissant en suspens le parfum d’un corps, d’un geste, d’un instant décisif, caressant la fragilité d’une couleur et la transparence d’un sentiment.

Lorsque Michel Foucault explique que la transgression est un geste qui concerne la limite et qu’elle se doivent l’une à l’autre la densité de leur être[1], on reconnaît le mariage mécanique entre matière et geste à la lisière du débordement dans les migrations répétées de l’artiste vers la matière. Dans Le repli, le personnage est attentif aux pas obstinés d’un soulèvement énigmatique, dangereux, peut-être même attractif. La densité de la matière est éloquente dans son propre Déroulé, un paysage de papier basculé puis redressé à la verticalité ; le reflet d’une mémoire, d’un passé, d’un souvenir, plus présent que jamais. Tout comme l’étagère de plâtre issus d’un papier bulle dans Transports amoureux traduit ce flirte permanent entre la force et le sensible.
Dès lors, la présence semble toujours en proie au basculement, dans un tourbillon proche du déchirement et pourtant, la fragilité de la touche laissée par l’artiste transperce l’équilibre de la matière pour sublimer les lignes de son volume. Un dialogue, un jeu de correspondances entre lumière et obscurité afin d’y intégrer plus de nuances dans cet instant figé, intemporel, organique.Chez Laurence Nicola, se cachent derrière ses œuvres, un corps qui expérimente le « Faire ». Un processus de pensée où le dédale surréaliste, nuageux et hypnotique de ses pièces est traversé par un geste en répétition, une libération du corps, un abandon sans raison. Elle récolte ces objets puis sème des indices pour mieux les utiliser comme les éruptions complices d’un déplacement qui s’opère entre l’organique et la métaphore. Dans ce duel, entre le geste et l’objet, la respiration et le suspens, l’intrigue et la catharsis, le flou et le transparent que se rejoignent, l’émoi et le silence d’un chant passionné pour la matière.

Mehdi Brit, décembre 2014.

[1] Michel Foucault, Préface à la transgression. Hommage à Georges Bataille, Paris, Nouvelles éditions lignes, 2012, pp.16-17; publié pour la première fois dans Critique, n°193-196, août-septembre 1963

www.laurencenicola.com 

 

ee2de57e-0b4b-43df-bbb0-592a94d62565Le repli, 2010, vidéo, 1’50’

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Collection, 2014, blocs béton cellulaire, techniques mixtes, dimensions variables

LOTTE GÜNTHER

LOTTE GÜNTHER

Exposition du 18 novembre au 20 décembre 2014
Vernissage mardi 18 novembre 2014 de 18h à 21h

 

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Substracted canvas

De fines toiles d’organza flottent au moindre souffle : les couleurs, les transparences sillonnent l’espace, jouent, se juxtaposent, se combinent ; elles forment un ensemble mobile, léger, sans cesse différent. Jamais elles ne sont au repos. Des nuances de vert s’y côtoient hardiment, l’une tirant sur le bleuté, l’autre à la limite de l’ocre, une troisième plus pomme, elles se heurtent au rouge, au violet des autres, croisent dans leur bougé les cuivres des supports. C’est leur mouvement que les couleurs appellent à saisir dès qu’un pli se forme, le recouvrement, le redoublement d’intensité des lignes horizontales qui vient rehausser les nuances, ou bien leur effacement. Dans la peinture classique, un voile léger et blanc frôle et drape les nus : il souligne la beauté du corps, dévoile ce qu’il cache à demi. Là il est présent comme accessoire de la beauté ; dans les pièces que Lotte Günther a créées pour la galerie du Haut Pavé il s’est fait matière : il est toile, élément du tableau. Et ces tableaux dévoilent la réalité de leur matériau. Leur transparence est chargée d’ambiguïté : la toile laisse le regard traverser son tissage, mais celui-ci reste accroché aux fils, et les fils à leur tour retiennent la couleur des lignes horizontales comme ils ont absorbé la teinture qui les a colorés.

Surprise un jour par un double reflet de son visage dans une fenêtre, l’artiste, en 2012, s’est représentée avec une double paire d’yeux. Devant cet autoportrait singulier, indécis, notre regard erre d’un œil à l’autre, sans savoir lequel fixer ; à chaque instant il doit faire le point, comme un objectif déréglé. Face aux plans enchevêtrés des toiles d’organza, le regard est soumis à semblable épreuve : il avance et recule, erre en profondeur pour battre de suite en retraite, au rythme des voiles et de leurs combinaisons. Un même jeu est à l’œuvre devant une large pièce en angle, qui nous enveloppe : elle est un puzzle qu’on ne saurait organiser tant chacun des fragments diffère de l’autre. Pourtant ce ne sont, sur chaque feuille, que lignes horizontales multicolores ; mais les combinaisons, où dominent les nuances du rouge, les fait tendre ici vers le jaune, là le vert, plus loin le bleu : cela cligne, tel le regard se déplaçant d’un fragment à l’autre, à la recherche d’un rythme improbable. Dans ce dédale il n’est de repère que les lignes verticales délimitant des colonnes, comme celles de tableaux Excel. Qu’arriverait-il si des colonnes on modifiait l’ordre ?

Déplacer le tableau vers l’espace, en changer la texture pour mieux le traverser, pénétrer les interstices des lignes, traverser le tissage des toiles, c’est ici que loge le désir d’incertain de Lotte Günther. Le tableau comme surface n’existe plus : sa matière même s’est dissoute en ces ensembles de lignes ou, comme au Ludwig Museum de Coblence, en des déploiements de cellophane recouverts d’une écriture sans lettre : le tableau s’offre comme fuite incessante, vibration d’une matière non pigmentaire.

Michel Métayer

www.lotteguenther.de

 

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