De rendez-vous en rendez-vous

Laurent BELLONI - Valérie BLIN-KADDOUR - Jean-Philippe BRUNAUD - Marine DUBOSCQ - Matthieu JACQUEMIN - Marion JANNOT - Hélène LA FORGE - Colombe MARCASIANO - Laurence PAPOUIN - Boris RAUX - Régis SÉNÈQUE - Cécile WAUTELET

Du 13 au 24 septembre 2011


Laurent BELLONI

76 rue Étienne Dolet
94230 CACHAN
lo.belloni@cegetel.net
http://belloni.laurent.free.fr

Laurent Belloni
La chaise, 2010, 40 x 20 x 45 cm, bois, cire, poils


Valérie BLIN-KADDOUR

5 avenue du Général de Gaulle
94220 CHARENTON-LE-PONT
kaddour3@wanadoo.fr

Valérie BLIN-KADDOUR
Modules, 2010, 25 x 35 cm & 27 x 49 cm, acrylique sur toile


Jean-Philippe BRUNAUD

22 rue du Pré-Saint-Gervais
93500 PANTIN
jphbrunaud@free.fr
http://jphbrunaud.free.fr

Jean-Philippe Brunaud
Échauffement, 2011, 114 x 195 cm, acrylique et huile sur toile


Marine DUBOSCQ

15 rue Henri Poincaré
75020 PARIS
marineduboscq@hotmail.fr
http://marineduboscq.fr

Marine DUBOSCQ
Mouvement 1, 2011, 75 x110 cm, technique mixte sur papier


Matthieu JACQUEMIN

2 impasse Germaine / Atelier 501
93400 SAINT-OUEN
matthieu.jacquemin@yahoo.fr

Matthieu JACQUEMIN
Indienne, 2010, 100 x 100 cm, acrylique sur toile


Marion JANNOT

23 rue Nollet
75017 PARIS
marionj@hotmail.com
www.marionjannot.com

Marion JANNOT
Sans titre, 2011, 6 x 8 x 3,5 cm, terre, coquillage, ficelle


Hélène LA FORGE

12 rue Robert Planquette
75018 PARIS
lnlf@voila.fr

Hélène LA FORGE
Stratégie, 2011, 30 x 40 cm, encre, pastel et crayons de couleurs sur papier


Colombe MARCASIANO

306 rue des Pyrénées
75020 PARIS
cmarcasiano@hotmail.com
www.marcasiano.com

Colombe MARCASIANO
Descendant l’escalier, 2011, 170 x 140 x 160 cm, bois, crépi, aérosol, peinture


Laurence PAPOUIN

37 rue de la Folie-Méricourt
75011 PARIS
laurencepapouin@hotmail.com
www.laurencepapouin.com

Laurence PAPOUIN
Peinture suspendue bleue, 2009, 125 x 70 x 40 cm, peinture et résine acrylique


Boris RAUX

32 avenue de Tunis
94100 SAINT-MAUR-DES-FOSSÉS
boris.raux@yahoo.fr
www.borisraux.com

Boris RAUX
Mur# 2 (vêtement), 2010, 100 x 160 x 4 cm, crayons de couleur, fibre de verre, peinture sur médium


Régis SÉNÈQUE

1 square Patenne
75020 PARIS
regisseneque@yahoo.fr
http://www.regisseneque.com

Régis SÉNÈQUE
Faune endormi, 2011, 40 x 30 cm, tirage numérique sous cadre en chêne, verre gravé et déodorant Axe «  Vice »


Cécile WAUTELET

16 rue Archereau
75019 PARIS
cecilewautelet@hotmail.com
www.cecilewautelet.com

Cécile WAUTELET
Face à face, 2010, 50 x 65 cm, crayon à papier sur papier Ingres


Être (jeune) artiste, en 2011, en France
L’artiste n’est artiste qu’à la condition d’être double
et de n’ignorer aucun phénomène de sa double nature.
Charles Baudelaire, in Curiosités Esthétiques
En ce début de XXIe siècle, le propos de Baudelaire a une saveur amère, et plus particulièrement pour les jeunes artistes plasticiens. Écartelé entre l’irrépressible besoin de s’exprimer et la nécessité de vivre, de survivre, l’artiste plasticien est, plus que jamais, un schizophrène qui s’ignore. Notre société française, malgré toutes les dénégations formulées, jusqu’au plus haut niveau de l’État, n’a cure des artistes, du moins tant qu’ils sont en vie… À la rigueur, quelques personnalités vivantes, mais déjà momifiées dans une sclérosante célébrité font exception à la règle… Et encore…
Chaque année, des plasticiens prometteurs renoncent à s’exprimer par manque des moyens les plus élémentaires. Chaque mois, de jeunes artistes renoncent à fonder une famille par peur de ne pas pouvoir faire face aux obligations financières que cela implique. Chaque semaine, des jeunes créateurs crient famine et n’obtiennent qu’indifférence méprisante en guise de réponse. Tous les jours des grands noms de l’art de demain épuisent leur énergie dans des activités alimentaires souvent abrutissantes ou aliénantes, au détriment de leur activité créatrice.
Plusieurs facteurs, typiquement français, contribuent à cet état de fait bien moins sensible, voire inexistant, chez nos voisins les plus proches.
1. L’art perçu comme une perversion
L’artiste a besoin que ses œuvres soient montrées, vues, achetées, collectionnées. Ce n’est pas uniquement un besoin économique mais une nécessité consubstantielle à l’acte de création. Créer uniquement pour soi-même est une forme de narcissisme qui renferme la dénégation même de l’acte créateur. L’artiste a besoin d’apporter quelque chose aux autres. Warhol est de ceux qui l’ont exprimé de la façon la plus claire et la plus simple : « Un artiste est une personne qui crée des choses dont les gens n’ont pas besoin mais, pour une raison quelconque, il pense que ce serait une bonne idée de leur apporter. »1 Pas de spectateurs, pas de collectionneurs ↔ plus d’artistes, même si ceux-ci n’avaient pas besoin de vendre leurs œuvres pour vivre…
Or, dans notre pays qui se targue pourtant d’être un des berceaux de l’art et de la culture, collectionner de l’art, et en particulier de l’art de notre temps, marginalise de facto le collectionneur dont le comportement est considéré comme déviant. Au mieux, il sera perçu comme quelqu’un de fortuné qui dilapide son capital en voulant faire parler de lui. Au pire, on le traitera de monomaniaque dangereux qui détourne les autres de la vraie vie : à savoir consommer ou produire afin que les autres consomment. Si un couple de jeunes cadres dynamiques, selon l’expression consacrée, prenait la décision de substituer, pour le même prix, une œuvre d’art de mêmes dimensions au prétendument indispensable écran plat, son entourage le taxerait immédiatement de non-conformisme malsain, voire le considérerait comme un ménage de doux dingues marginaux qui n’ont pas compris ce que c’était que vivre dans son temps.
Les murs des logis français sont donc d’une pitoyable nudité, avec, tout au plus, chez certains esthètes, à côté des photographies de famille et de trophées personnels, une affiche d’une exposition d’un artiste décédé depuis au moins un siècle ou relevant d’une esthétique surannée2. Entrez dans un foyer, même modeste, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne et vous verrez, aux murs, des originaux. On pourrait longuement débattre de la pertinence esthétique de certains de ces choix. Il n’est pas question, ici, de juger de goût mais de la légitimité de l’acte de collectionner… Outre-Rhin, outre-Quiévrain, outre-Manche, collectionner des œuvres d’art est une activité normale que tout citoyen peut pratiquer sans devoir justifier de sa santé mentale ni se défendre d’une propension à l’exhibitionnisme.
C’est donc une véritable révolution culturelle qu’il va falloir mener. Aimer et collectionner l’art contemporain est tout aussi sain et normal que de faire du ski chaque année, que d’apprécier les belles voitures ou que de s’intéresser aux timbres-poste ou aux vins millésimés. Il faut savoir et faire savoir que l’on peut constituer une remarquable collection d’art contemporain avec un budget raisonnable. Collectionner est donc accessible à beaucoup plus de personnes qu’on ne le croit. Encore faut-il le vouloir et accepter de s’intéresser aux créations des plus jeunes de nos artistes.
L’explication de cette triste « exception » française est simple, connue et analysée. Dans les pays voisins, l’enseignement de l’histoire de l’art fait, depuis longtemps, partie intégrante du cursus des études secondaires. Plusieurs de nos gouvernements successifs ont promis, voire annoncé, cette évolution. La sclérose corporatiste du corps enseignant, la lecture partisane faite de toute décision en matière d’éducation nationale, qu’elle vienne de la droite ou de la gauche, la primauté, bien ancrée dans la vie politique française, du verbe sur l’action font que le statu quo perdure. Il y a pourtant urgence, car il faudra attendre une génération pour que les collégiens et lycéens d’aujourd’hui deviennent les amateurs et collectionneurs de demain.
2. Des médias acteurs ou complices de la désinformation
La presse quotidienne donne une place importante aux manifestations culturelles dans les arts plastiques. Cependant, si l’on met de côté les comptes rendus des grandes expositions historiques, dont notre pays peut fort légitimement se vanter, et les quelques articles consacrés aux manifestations des grands de notre temps, déjà passés dans l’Histoire, le reliquat est bien maigre, voire, pour certains quotidiens – et non des moindres – proche de l’ensemble vide. Tout au plus, un entrefilet, ressemblant à un texte d’annonce plus qu’à une tentative d’approche critique, encouragera le lecteur à visiter telle ou telle galerie, toujours les mêmes, d’ailleurs, et pas nécessairement des plus innovatrices.
Ce phénomène est relativement récent, car je me souviens de la génération de journalistes3 précédant celle de nos actuels chroniqueurs, qui consacraient, chaque semaine, des articles de fond à des artistes à découvrir, visitaient les galeries et se hasardaient même dans les ateliers de jeunes créateurs, dans les véritables laboratoires de la création contemporaine. Il faut aussi noter que le phénomène est circonscrit aux arts plastiques car, dans ces mêmes quotidiens, les créations musicales et théâtrales ont droit de cité et font souvent l’objet d’analyses, pertinentes ou impertinentes, mais qui incitent à aller voir ou entendre, à se faire une idée par soi-même.
Du côté des mensuels et des hebdomadaires consacrés aux arts plastiques, la situation n’est guère plus reluisante. Le lectorat est peu nombreux, très sollicité et quasiment ignare en matière de création contemporaine. Rien de tel qu’un dossier sur une locomotive historique ou sur des thèmes qui flirtent avec le fait divers pour consolider la base d’abonnés et espérer en conquérir quelques-uns. Les textes sont souvent d’une indigence à faire pleurer, même si quelques rares exceptions4 font encore honneur au métier de journaliste ou de critique. Quant à la télévision, le souci de l’audimat relègue les émissions à connotation culturelle à des heures de faible écoute. Et si le téléspectateur est suffisamment insomniaque pour les regarder, les approximations hâtives, les stéréotypes éculés et les contre-vérités les plus criantes sont devenus la norme, dans des productions qui traitent des arts, plastiques ou non, comme on le ferait du Tour de France5. On donne ici raison à la vision que Flaubert, dans sa correspondance, avait de l’artiste : « La race des gladiateurs n’est pas morte, tout artiste en est un. Il amuse le public avec ses agonies. »
Le résultat est là : d’interminables files d’attente pour entrer dans les expositions historiques ou fortement médiatisées, ce dont on doit se réjouir ; le désert dans les galeries et les lieux présentant les travaux des créateurs, des jeunes d’aujourd’hui, dont certains seront pourtant les grands de demain.
De tout ceci, il résulte une inculture consciencieusement alimentée et cultivée par ceux-là même qui devraient être en première ligne pour lutter contre elle. Plus une œuvre est conformiste, vide, sans message ni consistance, inapte à remettre en cause le consensus mou qui prévaut, plus elle a de chances d’être acquise par un de nos compatriotes qui pense ainsi, en toute bonne foi, échapper au piège que son geste même contribue à armer.
3. La peur de l’autre ou le refus de l’altérité
Maupassant (« Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière6 »), Apollinaire (« Avant tout, les artistes sont des hommes qui veulent devenir inhumains7 »), Malraux (« Le fou copie l’artiste, et l’artiste ressemble au fou8 ») et bien d’autres encore définissent ou positionnent l’artiste en termes d’anormalité, d’illusion, de folie, d’inhumanité par rapport à un ordre conservateur et bourgeois qui, lui, serait le vrai monde de la réalité, de la santé mentale et de l’humain. Cette image perdure et ne peut que susciter la peur, marginaliser l’artiste, dans un monde qui cultive conformisme et normalité. La crainte de ne pas être perçu comme les autres, de donner l’impression de ne pas appartenir au troupeau, a développé une civilisation du rejet de l’autre, dès lors qu’il ne se conforme pas à la norme de l’observateur.
Même si, fort heureusement, le racisme primaire et le rejet des cultures et civilisations autres continuent à régresser et font l’objet d’un opprobre quasi unanime dans notre société, l’acceptation de la diversité, en ce qu’elle a de plus intime et personnel, tend à reculer. Accepter la diversité, c’est admettre que des modes de raisonnement différents des nôtres, des façons distinctes d’appréhender les mêmes faits réels ou mentaux, des chemins autres pour parvenir à l’épanouissement personnel et sociétal existent, sont viables, sources de richesse et non de dilution et d’appauvrissement. C’est accepter de remettre en cause ses habitudes, ses réflexes, d’aiguiser la curiosité, de se faire récepteur et non déflecteur de l’altérité.
À l’opposé, Nietzsche9, Mondrian10 et bien d’autres font de l’artiste principalement un médiateur, un passeur, un révélateur, un canal. Mais toute médiation requiert deux parties et un vecteur entre les deux. Le vecteur, c’est l’art. L’une des parties, c’est l’artiste, l’autre le spectateur… Mais y en a-t-il encore, dans notre société corrompue par les conformismes, qui soient prêts à assumer ce rôle ? Rôle ô combien enrichissant, pourtant…
4. Une mode stérilisante et une centralisation castratrice
L’Histoire nous apprend que, en matière artistique, l’Institution, l’establishment, quel que soit le régime politique qui prévaut en France, se trompe presque systématiquement depuis plusieurs siècles. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer, dans nos musées, grands ou petits, les cartels qui accompagnent les pièces exposées. Bien peu des chefs-d’œuvre qui font la gloire de ces établissements résultent d’achats. Les donations, dations et autres dons manuels, d’œuvres isolées ou de collections entières, constituent l’essentiel des fonds muséaux de qualité. Ce sont donc des individus de chair et de sang, avec leur part de subjectif et d’arbitraire, de prise de risque et de choix à contre-courant qui ont fait nos collections nationales.
Nos fonctionnaires de l’art ont développé une sacro-sainte terreur d’être, à leur tour, jugés pour leur manque de discernement. Il en résulte un abandon de toute décision à caractère un tant soit peu original. Les achats des musées ou les expositions publiques consacrent des noms déjà entrés dans l’Histoire ou se concentrent sur quelques artistes à la mode, pensant que, ce faisant, le risque du ridicule est partagé dans un on collectif aussi impersonnel qu’irresponsable et insaisissable. De fait, ce grégarisme primaire ne fait qu’accentuer le risque, éliminant toute expression en dehors des clous fixés par des décideurs terrorisés par la peur du ridicule…
La tradition centralisatrice de la République française accentue encore ces aberrations, condamnant à la portion congrue tout artiste émergent ou remettant en cause la hiérarchie des goûts et préférences étatiques. Il est vrai que les tentatives de décentralisation, à la mode germanique des Kunsthalle, ne se sont pas révélées probantes, minées dès l’origine par la tradition contestataire française et par le corporatisme ravageur des fonctionnaires ou de certains artistes. Le projet du Palais de Tokyo tombe à l’eau ; tous les FRAC et autres institutions étatiques11 achètent quasiment les mêmes œuvres au même petit noyau dur d’artistes dûment labellisés fournisseurs de sa majesté l’État, comme le sont certains marchands de thé ou de whisky outre-Manche.
5. Une profonde incompréhension des enjeux
Trop souvent, le débat sur l’art contemporain en France et sur la prétendue perte d’influence de notre pays dans le monde des arts plastiques se limite à constater et à se lamenter sur le mauvais positionnement des artistes et plasticiens français dans les palmarès des chiffres d’affaire ou dans les statistiques des résultats en vente aux enchères. À cette aune, en leur temps, Millet et Meissonier auraient été des géants, et Cézanne et Van Gogh des nabots.
Cette simplification outrancière du débat masque, en fait, une profonde incompréhension du rôle des arts dans notre société. Les plasticiens ne sont pas des footballeurs ni des rock-stars. Il n’y a pas, en art, de mercato ni de transfert d’un club à l’autre. L’art n’est pas objet de consommation mais plutôt l’agent d’une forme de consumation.
L’art consume, brûle, détruit. Son feu élimine les faux-semblants du paraître et révèle l’essence de l’être. Il élimine le superflu et dévoile l’infrastructure des choses et de la pensée. Il confond la vacuité des propos et des idées pour faire découvrir l’essentiel, la charpente de la réalité sensible ou mentale. Il agit sur le créateur comme sur le spectateur, les oblige à ouvrir large les portes et les fenêtres encombrées et occultées par les préjugés et les habitudes. Il force à faire des choix, à préserver l’important et à jeter par-dessus bord les impedimenta qui dénaturent notre propre humanité. Il n’est jamais univoque. Il est naturellement polysémique et ambigu, comme le sont notre personne et notre pensée.
L’art est probablement inutile du point de vue de l’économie, telle qu’on l’entend aujourd’hui12. Il est cependant indispensable, vital pour notre humanité, pour aider à faire sortir l’homme du statut de robot lobotomisé dans lequel certains voudraient le maintenir éternellement. L’art n’est pas aristocratique, mais il veut et peut faire de chacun de nous des aristocrates de l’esprit et de la sensibilité. Même si les artistes ont besoin de gagner de l’argent pour continuer à vivre et à s’exprimer, l’art n’a pas de prix. Il n’est pas réductible à des considérations d’espèces sonnantes et trébuchantes.
* * *
Contrairement à ce que quelques penseurs ou philosophes de salon suggèrent ou préconisent, les artistes n’ont pas besoin d’être assistés, ne veulent pas vivre au crochet de la société ou à ses dépens. Ils veulent tout simplement que leur métier soit reconnu, que l’utilité et la valeur de l’œuvre d’art plastique soient admises au même titre que le sont celles d’autres activités prétendues peu utiles à l’économie, comme le théâtre, la musique, le sport… Rien de plus… Rien de moins…
Relever ce challenge, c’est l’objectif que s’est fixé la Galerie du Haut-Pavé, depuis plus de soixante ans. Luttant contre l’indifférence molle qui tue encore plus sûrement que la critique acerbe, essayant d’éduquer l’œil de ses contemporains et de mettre le pied de jeunes artistes à l’étrier en organisant leur première exposition personnelle, elle joue un rôle aussi unique qu’indispensable. La tâche est d’importance, les moyens modestes et fragiles, mais le courage, l’énergie et la conviction y suppléent amplement. On pense inévitablement à la remarque d’Oscar Wilde « Le public est extraordinairement tolérant. Il pardonne tout, sauf le génie13. » Il faut donc naviguer à contre-courant de l’opinion publique, de l’ignorance et de la suffisance ambiantes, des modes fugitives glorifiées par les médias, de la propension à un repli stérile sur son histoire, de la désinformation orchestrée, des conservatismes desséchants…
Les résultats sont parfois bien modestes par rapport aux enjeux et aux efforts consentis. La plupart des jeunes artistes doivent continuer à subir des déchirements schizoïdes entre expression et survie. Mais ce n’est pas une raison d’abandonner. Le découragement n’est pas de saison. Et que nos gouvernants de tous bords et nos maîtres à penser vide continuent à ronronner en paix et en toute impunité : si les jeunes artistes peuvent vivre dans la misère, certains finir par renoncer provisoirement ou définitivement à exprimer ce qu’ils ont de meilleur, leur courage et leur force restent intacts car, comme le constatait déjà Arthur Cravan en 1942 : « On n’a jamais trouvé un artiste pendu devant une rose14. »

Louis Doucet, juillet 2011

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