Pascale Piron

Peintures et dessins

du 14 janvier au 1er février 1997


Pascale Piron


née en 1966 à Saumur
atelier : 8 rue Sainte-Marthe
75010 PARIS
09 52 60 41 14
06 76 79 93 08
piron.pascale@free.fr http://www.pascale-piron.com

Formation
1985-87École des Beaux-Arts d'Angers
1987-91Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague, Danemark
Expositions personnelles
1995Espace Bateau-Lavoir, Paris
1996Galerie Zenit, Copenhague, Danemark
Centre Culturel André Malraux, Le Bourget
1997Galerie du Haut-Pavé, Paris
Expositions collectives
1992Exposition de peintures, Galerie Serpenti, Rome
1993Salon de Mai, Grand Palais, Paris
1994Salon Réalités Nouvelles, Espace Eiffel-Branly, Paris
1995Salon de Vitry, Vitry-sur-Seine
Salon de Montrouge, Montrouge
Salon de Mai, Espace Eiffel-Branly, Paris
Salon Réalités Nouvelles, Espace Eiffel-Branly, Paris
1996Portes Ouvertes, Ateliers de Belleville, Paris
Salon de Mai, Espace Eiffel-Branly, Paris
Salon Réalités Nouvelles, Espace Eiffel-Branly, Paris
Prix Félix Fénéon 96, Chapelle de la Sorbonne


Dessin, 1993
Technique mixte, 29,7x2l cm


Pascale Piron ne veut pas parler de sa peinture. Elle n‘aime pas non plus que l‘on glose sur sa production, pensant qu‘une oeuvre d‘art doit, avant tout, parler pour elle-même, sans devoir recourir à des «truchements» pour en révéler le sens, fût-il superficiel ou profond.
Il est vrai que les toiles de Pascale Piron exhalent une plénitude et un sentiment de complétude qui tarissent d‘emblée tout discours critique ou risquent de le rendre vain.
Ses peintures sur toile, presque toujours de grand format, sont le résultat d‘un long travail, parfois étalé sur plusieurs mois, avec de nombreuses hésitations, des séjours en quarantaine, la face contre le mur de l‘atelier, des repentirs et de brusques décisions qui peuvent amener, en quelques heures, une peinture longtemps indécise à son état de perfection finale. C‘est donc peut-être à travers ses oeuvres sur papier, dont la technique impose plus de spontanéité et d‘immédiateté, que l‘on peut espérer saisir l‘essence de son art et de sa personnalité.
Ouvrir un carton de dessins de Pascale Piron, c‘est entrer dans une merveilleuse aventure individuelle, remplie de personnages, de symboles, de signes et d‘objets qui semblent familiers, même si on les découvre pour la première fois. Ce qui frappe avant tout, c‘est la lumière émanant de ces feuilles qui restent pourtant dans un registre de bruns, d‘ocres ou de bleus métalliques. Cette lumière est une lumière idéalisée qui matérialise une forme de synthèse entre la luminosité hospitalière et chaleureuse, mais sans excès, des bords de Loire de son enfance et les contrastes saisissants du Nord de sa période de formation artistique où, en un clin d‘oeil, un rayon de lumière peut transformer un arbre débonnaire en héros d‘une obscure saga porteuse de vengeances séculaires. Dans un cas comme dans l‘autre, on imagine des horizons plats, des vues panoramiques et des nuages formant d‘immenses coupoles mouvantes sur des horizons circulaires.
Tout est à sa place, cependant. L‘équilibre est parfait. Il semble qu‘un rien de plus - nécessairement superflu - pourrait faire vaciller l‘univers représenté par Pascale Piron dans une autre dimension, que l‘on soupçonne à l‘opposée de celle qui nous est donnée à voir : pleine de contradictions internes, de contrariétés inutiles ou d‘empêchements de s‘exprimer ou d‘assumer son avenir.
Et pourtant, rien que des choses simples dans son répertoire expressif. Pas un geste qui puisse être taxé de grandiloquence ou de tentative de rechercher les effets faciles. On relève souvent des oppositions entre des formes fermes et des taches floues, parfois agrémentées d‘un fond qui évoque l‘art pariétal préhistorique ou les ocelles du pelage d‘une faune africaine. Ainsi l‘ombre de cette échelle dressée vers le ciel - celle de Jacob, peut-être ? - se révèle comme un personnage en marche vers son avenir ou fuyant une fatalité inexorable. Plus loin, dans une autre feuille, ce même personnage en marche est confiné dans un espace restreint par deux lignes verticales sinueuses, barrières fermes et infranchissables qui l‘obligent à se pencher sur un empilement de formes f›tales qu‘il voudrait mais ne peut ignorer. Ailleurs, encore, une structure ferme, abstraite mais dans laquelle on pourra lire la silhouette d‘un humain, s‘oppose à son reflet spéculaire, décadré et rendu incertain par une ligne hésitante que souligne un liseré flou...
Chaque dessin de Pascale Piron raconte donc une histoire. Ou plutôt, l‘observateur peut y lire une histoire qui ne sera probablement pas la même d‘un spectateur à l‘autre. On comprend, alors, que l‘artiste ne veuille pas s‘exprimer sur son travail et risquer ainsi d‘imposer sa lecture unilatérale. Les dessins de Pascale Piron sont des révélateurs qui permettent de déchiffrer aussi bien l‘inconscient de l‘artiste que celui du lecteur. Curieuse et sublime alchimie, au coeur même de la fonction essentielle de l‘art : révéler à chaque homme sa propre humanité... Ou, selon la formule de Malraux : «tenter de donner conscience à des hommes de la grandeur qu'ils ignorent en eux.»
Et les peintures... Tout d‘abord une remarque purement formelle : si les dessins de Pascale Piron sont presque toujours verticaux, ses toiles, elles, optent pour l‘horizontalité. Autre observation immédiate, le répertoire de couleurs de ses toiles, sans être tonitruant, fait appel à une palette plus large, avec des rouges, des verts et des bleus chaleureusement denses qui vibrent avec intensité. Les fonds, animés de touches vivantes, y sont saturés, tactiles, somptueux et sensuels. Des formes s‘y détachent, fermes ou lâches, limitées par un cerne sombre ou de dissolvant dans la couleur ambiante. On discerne une prédilection, qui n'a cependant rien de systématique, à opposer statisme et mouvement, structures définies et fantômes flous.
Spirales semblables aux gidouilles du Père Ubu, ocelles, algues verticales, ombres végétales ou animales, silhouettes creuses ou pleines, menhirs aux contours incertains, symboles runiques peuplent un univers qui, bien qu‘évidemment tellurique, n‘a rien de pétrifié. Tout y semble du domaine du possible. La réalité et le fantasme peuvent s‘y matérialiser indifféremment, sur ce seuil étroit qui sépare l‘état de veille du premier sommeil...
Interrogée sur ses motivations, sur la lecture qu‘il faut faire de son travail, Pascale Piron se dérobe. Elle ne veut rien exprimer, préférant la «peinture - peinture» aux longs discours plus ou moins stériles et stérilisants... Poussée dans ses ultimes retranchements, elle finira par avouer ses références : Bram Van Velde, bien sûr, Sam Francis, Joan Mitchell... Mais vous n‘arriverez pas à lui arracher beaucoup plus.
Acceptez donc mes excuses, Pascale, pour avoir tenté de révéler ce que vous voulez tenir caché...

Louis Doucet, décembre 1996

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