Petits volumes

Samuel ALIGAND - Nicolas BEAUD - Laurent BELLONI - Lucie BITUNJAC - Valérie BLIN-KADDOUR - Hervé BRÉHIER - Élodie BOUTRY - Claude CATTELAIN - Benoît CARPENTIER - Philippe COLON - Flavie COURNIL - Christophe DALECKI - Christophe DELESTANG - Charles-Henry FERTIN - Olivier FILIPPI - Manu GIBON - Sylvie GUIOT - Saraswati GRAMICH - Cristine GUINAMAND - Sophie HASSLAUER - Marion JANNOT - Laurie KARP - Maëlle LABUSSIÈRE - Hélène LA FORGE - Max LANCI - Catherine LARRÉ - Élise LECLERCQ - Christian LEFÈVRE - Kacha LEGRAND - Frédéric MAGNAN - Christine MAIGNE - Colombe MARCASIANO - Sylvie MAS - Laurent MAZUY - Richard NEGRE - OMZZO - Hiroko PALMER - Patrice PANTIN - Laurence PAPOUIN - Sébastien PONS - Boris RAUX - Pierre-Alexandre REMY - Emmanuel RIVIÈRE - Anne Marie ROGNON - Dominique ROMEYER - François SCHMITT - Régis SÉNÈQUE Catherine SERIKOFF - Soizic STOKVIS - Jacqueline TAÏB - Cécile WAUTELET - Pierre YERRO

du 3 au 14 avril 2012


Petits Volumes


« Tableau. Représentation en deux dimensions de
quelque chose d’inintéressant en trois. »
Ambrose Bierce, in Le dictionnaire du Diable
« La sculpture, c’est ce contre quoi on se cogne quand
on recule pour regarder une peinture. »
Ad Reinhardt
Et si tout art plastique n’était que volume ?
Historiquement, ce n’est que très tardivement que la sculpture et la peinture se sont spécialisées, désolidarisées. Les artistes ymagiers du Moyen-Âge, ne maîtrisant pas les arcanes de la perspective en peinture, recouraient à des volumes – essentiellement au bas-relief – pour créer l’illusion de la troisième dimension. La Renaissance italienne et les travaux mathématiques d’Alberti ont contribué à la disjonction des deux techniques, même si beaucoup d’artistes de ce temps excellaient dans les deux pratiques. Depuis, le débat sur la primauté de l’une de ces formes d’expression sur l’autre n’a cessé de faire rage, comme en témoignent, parmi d’autres, les positions respectives de Bierce et de Reinhardt.
Il y a, chez les artistes de la fin du XIXe et du XXe siècles, une manière de course à l’abîme, à la mise en abîme, la quête d’une ou de plusieurs dimensions supplémentaires. Les peintres n’ont eu de cesse de peaufiner leurs techniques pour donner l’illusion de l’espace, voire du mouvement. Les sculpteurs, de leur côté, ont intégré le temps et le mouvement pour appréhender la quatrième dimension. Il en est progressivement résulté une nouvelle indifférenciation des deux techniques : les peintures ont pris de l’épaisseur ; les sculptures ont renoncé à la traduction littérale de notre univers cartésien tridimensionnel et sont devenues plus picturales.
La peinture et le dessin sont, par essence, des techniques additives. Pour produire un artefact, l’artiste ajoute, additionne, sur un subjectile, des pigments, des fragments collés ou, plus récemment, des objets.
La sculpture est, initialement et étymologiquement, une technique soustractive. Il s’agissait alors de faire émerger une forme d’un bloc de bois, d’ivoire, d’os, de marbre... Graduellement le terme sculpture a intégré des techniques additives comme celles du modelage, de l’assemblage, de la soudure, de l’accumulation... Le temps et l’immatériel ont aussi rejoint son domaine, quand on a vu apparaître des sculptures cinétiques et des sculptures de lumière.
Si l’on s’en tient au vieil adage « qui peut le plus, peut le moins », la peinture ne serait donc qu’un cas particulier de sculpture… Voilà qui va fâcher beaucoup… Et en réjouir d’autres car, il faut dire, certains artistes prennent aussi un malin plaisir à brouiller les pistes. Par exemple, les membres du groupe Ready-made color / La couleur importée se revendiquent peintres même quand ils conçoivent des œuvres en trois dimensions. Ou bien encore, Pierre-Alexandre Remy, notoirement sculpteur et se définissant comme tel, ne réalise, quand on y regarde bien, que des dessins en trois dimensions. Peut-être faut-il laisser le dernier mot à Alberto Giacometti, qui pratiqua dessin, peinture et sculpture avec un égal bonheur. Abandonnant la problématique de l’objet, il déplace le débat bien au-delà de la question de la forme plastique, du perceptible, pour le focaliser sur le processus sous-jacent : « L’idée de faire une peinture ou une sculpture de la chose telle que je la vois ne m’effleure plus. C’est comprendre pourquoi ça rate, que je veux. » C’est assurément l’enjeu principal de la présente exposition : comprendre, à travers des productions inévitablement – et fort heureusement – diverses, la démarche de l’artiste confronté à la gageure éternellement renouvelée de remplir, de meubler l’angoissante vacuité d’un espace tri- ou quadri-dimensionnel… Angoissante, car, épreuve supplémentaire, toujours selon Giacometti : « L’espace n’existe pas, il faut le créer mais il n’existe pas. »

Louis Doucet, février 2012

index