Natacha Moeri

Porteurs de lumière

du 22 avril au 17 mai 1997


Natacha Moeri


née en 1968 à Bienne (Suisse)
atelier : 4 rue du Dragon
75006 PARIS
01.42.22.11.38

Formation
1992Diplômée de l‘École nationale Supérieure des Beaux-Arts, Paris
1995Licence d‘Arts Plastiques, Paris VIII, Saint-Denis
Expositions personnelles
1993Lisa Albani, Soleure, Suisse
1994Galerie Mesmer, Bâle
1997Galerie du Haut-Pavé, Paris
Expositions collectives
1991Atelier Voss, Galerie de la Maison des Beaux-Arts, Paris
Sculpture flottante «Le Seuil», rue du Pasteur-Wagner, Paris
1992Novembre à Vitry, Vitry-sur-Seine
1993Diplômés 92, ENSBA, Paris
Salon de Montrouge, Montrouge
1994Orte, «Wegweisende Kunst», CS, Bâle
Exposition de Noël, Centre Pasqu‘Art, Bienne
1996Portes Ouvertes, «Macadam Canvas», Montreuil
Réalisations
1993Conception et réalisation d‘une peinture murale, Gymnase Grentschel, Lyss, Suisse
1994Couverture d‘un plan de ville, commande du CS, Bâle


Porteurs de lumière, 1996/97
Polyptyque (base 30 x 30 cm), acrylique sur toile (détail)


Porteurs de lumière
«If we cannot free ourselves, we can free our vision»1
Les séries, Porteurs de lumière, de Natacha Moeri semblent construites selon un processus simple et subjectif. Les tableaux composés de plusieurs toiles (3, 6, 9, 12, 20 ou même 70 toiles) sont travaillés en respectant un nombre limité de données afin de se concentrer sur les éléments les plus évocateurs de la peinture : la couleur et la lumière, ou, pour être plus précis, la couleur-lumière.
Au premier regard, on devine le lent travail de dépôt des couleurs pour obtenir sur chaque toile les modulations entre la forme concentrique centrale et son entour, ainsi que le va-et-vient d‘une toile à l‘autre pour trouver le rapport d‘équilibre de la série entière. Mais derrière cette simplicité apparente, le spectateur attentif reconnaît vite qu‘il ne se trouve pas dans la situation qu‘il croyait connaître. Son regard est soumis à un jeu complexe de tensions. Il est partagé entre l‘obligation de circuler sur l‘ensemble des toiles et la tentation de focaliser sur une seule d‘entre elles. Davantage, cette contradiction entre le désir de fixer un élément et celui de percevoir toute la série est accentuée par des perturbations optiques, qui se distribuent comme une ponctuation selon l‘intensité des écarts colorés de certaines parties.
Pour faire ainsi surgir la lumière de la rencontre des surfaces colorées, Natacha Moeri construit sa peinture autour d‘une stratégie picturale longuement élaborée. Elle crée un jeu combinatoire autour des principes d‘identité et de différence : identité qui repose sur la répétition de toiles de mêmes dimensions, ou encore sur l‘inscription de la couleur dans une même forme concentrique ; différence, qui s‘exprime dans le choix des rapports et des modulations des couleurs et par le geste libre d‘application de celles-ci. Cette opposition et cette connivence simultanées entre le variable et l‘invariable est renforcée par une autre combinaison semblable mais plus discrète : la présence et l‘effacement du dessin. L‘espacement du mur entre les toiles dessine une grille modulaire. Elle évite que chacune des toiles s‘individualise et elle amplifie le rythme. Par contre, c‘est la couleur même qui donne naissance à l‘intérieur de chaque toile à la surface colorée concentrique. En gommant le dessin, elle abolit ainsi la hiérarchisation de la figure et du fond et se détache de la planéité du tableau.
L‘ensemble de ces données crée un tissage spatial qui libère la couleur et provoque des oscillations optiques, la projetant en avant ou la basculant vers la profondeur — comme si n‘obéissant plus qu‘à elle-même, elle déployait sans entrave ses gammes et ses résonances. C‘est entre ces différentes lectures d‘un même phénomène et l‘intensification de leur impact émotionnel que surgissent les irisations et les éblouissements de la couleur. Elle exalte un rythme dynamique, que le regard ne peut plus maîtriser, joue sur un dessaisissement du spectateur et l‘invite au vertige. Devant chaque Porteur de lumière, il est convié à retrouver une vision libre et subjective.
1 Piet Mondrian, Plastic Art and Pure Plastic Art, New York, Wittenborn, 1945, p.15

Antoine Perrot, avril 1997

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