Colombe Marcasiano
chantier d’été
du 29 septembre au 24 octobre 2009
Colombe Marcasiano
Formation | |
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1999-2001 | De Ateliers, Amsterdam |
1996/99 | École nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris |
Bourses et résidences | |
2009 | Chamalot, résidence d’artiste, Moustier Vendatour |
2008 | Triangle France, La Friche Belle de Mai, Marseille |
1998/99 | Erasmus, HDK Berlin, Allemagne |
Expositions Personnelles | |
2009 | « Chantier d’été », Galerie du Haut Pavé, Paris |
2006 | « Haltérophilie », oeuvres sur papier, Paris « Séjour-Club », Festival Expoésie, Périgueux |
2002 | « Lignes de Constructions », Helderse Kunstliga, Den Helder, Hollande |
Expositions Collectives | |
2009 | « Survey », The Timber Yard, London « Pol/A », galerie Nivet-Carzon, Paris « Double Détente », Fontenay le Comte « Les Formes Féminines », Triangle France, Marseille |
2008 | « Novembre à Vitry », Galerie Municipale, Vitry « Traversée d’Art 2008 », Château de Saint-Ouen, Saint-Ouen « Палитра свободы 2008 », Yalta, Ukraine « Nowhere », Triangle, Galerie de la Friche Belle de Mai, Marseille |
2007 | « Novembre à Vitry », Galerie Municipale, Vitry « Carte Blanche à E. de Chassey et P. Wat », Galerie Jean Fournier « Urban Connections », Caravansarai station Istanbul « Biennale de Taschkent », Ouzbékistan |
2006 | « Sculptures », collaboration avec K. Dedobeleer et S. Haesaerts, RestitutionRaum, Dans le cadre de la Biennale de Berlin « Hommage aux Héros et Icônes », la Générale, Paris « Studio 8312 », collaboration avec Sofie Haesaerts, La Cité des Arts |
2005 | « Zweite Berliner KunstSalon », Arena, Berlin « Die Frage der Grosse", Tübingen, Allemagne “killing the Angel in the House”, Sloterdejk, Amsterdam |
2004 | “ Hole in One”, Kaskadenkondonsator, Bâle |
2003 | « ALENTOURDUNEXPOSITION », RestitutionRaum, Berlin « Beeld in Park '03”, Bruxelles |
2002 | « Fragment d'architecture » – L’Art Chemin Faisant, Pont-Scorff « De Zeeberg » – NETWERK2, Aalst, Belgique |
2001 | « Salon de la Jeune Création », Porte de la Villette, Paris « Salon d'Art Contemporain » de Chelles |
2000 | « Salon de la Jeune Création », Paris |
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
Nicolas Boileau, L’Art poétique, 1674
À rebours de certaines démarches passéistes comme on peut en croiser en pagaille au détour des foires et des prix de la saison, le vocabulaire constructiviste de Colombe Marcasiano rejoue à sa manière une petite histoire des formes sans prétention aucune mais avec sincérité et finesse.
À la vanité des citations cryptiques, l’artiste oppose le goût des installations à la limite du didactique. Dans l’exposition « Les Formes Féminines » à Marseille en avril dernier, elle proposait une pièce intitulée « le nuancier du peintre », ce dernier pris comme allégorie de l’artiste absolu. L’œuvre semblait proposer littéralement l’expérience sensible du monde, figurée par des panneaux de bois imitant bois, crépi, brique, grillage, marbre, comme matériau premier de l’artiste. Un grand châssis détoilé, posé nonchalamment contre une colonne non loin de là, renforçait encore le propos en posant la peinture comme une fenêtre sur le monde, même lorsqu’elle se retrouve dépourvue d’image. Lorsque l’on tournait autour de la pièce, on pouvait alors voir l’envers du décor, à savoir le recto des planches vierges: aveu de l’impuissance de leur simulacre ou au contraire grande confiance en l’imaginaire du spectateur à comprendre la position de l’art entre représentation et réalité ?
L’installation « Chantier d’été » que l’artiste vernit ces jours-ci à la galerie du Haut Pavé nous met de nouveau face à ces questions simples et pourtant chez Marcasiano toujours traitées de façon à la fois légère et poignante.
L’artiste présente ici un discours conscient et humoristique sur les faires et les défaires qui constituent une vie d’artiste, s’attarde sur les repentirs et valorise les outils mêmes qui conditionnent la pratique et lui permettent d’exister.
Un mur blanc mal peint que rien ne semble au premier abord distinguer; des outils de cartons, semblables à de fragiles jouets, exposés en vitrine. C’est à un drôle de chantier que l’artiste nous convie, elle semble suggérer une activité frémissante et impalpable, affirmée puisqu’exposée mais cependant précaire et fragile à l’image des outils de carton qu’elle propose.
Le mur blanc évoque aussi la toile blanche, une recherche d’inspiration avouée. En même temps, l’artiste semble signifier clairement qu’il lui faut fabriquer ses propres outils pour pouvoir aborder cet espace vierge, intouché.
Pourtant, dans un deuxième temps, on se rend compte que ce mur peint est en fait un mur dépeint, repeint. Une couche de graphisme affleure, on la perçoit sous l’acrylique blanche, de grands motifs insaisissables autrefois jaunes, rouges, bleus, couleurs primaires insolentes vrombissant joyeusement sous l’immaculé voile du peint par dessus. Ils semblent glisser derrière un écran, une surface, on dirait les poissons tropicaux d’un lagon trop ensoleillé, on tente de suivre leurs formes mouvantes, mais elles se dérobent à nos yeux, dans un combat entre surface et profondeur. Dilemme éternel de la peinture! Toutefois les graphismes que l’on tente de cerner se distinguent peu à peu. Les formes n’illustrent rien de particulier: elles évoquent plutôt les formes d’un Basquiat ou d’un Combas, une forme de street art un brin adolescent, voire même rappellent les traits de stylo qu’on peut faire sur une feuille pour faire remarcher un stylo bic ou un plume après qu’on en ait changé la cartouche. Un graphisme spontané et libre, un geste d’essai, une jouissance de la couleur pure, de la fluidité du geste gratuit. Le recouvrir laisse sans doute sa poésie intacte, le libère une fois pour toutes du souci de représentation, de signification. Le geste est enfoui pour toujours, vide de sens, pour une fois. Sans enjeu, libre de se cacher, de dire qu’il ne voulait pas dire cela. Un aveu de désobéissance. Une défausse, au regard des enjeux actuels d’une peinture alourdie de trop de casseroles conceptuelles.
Mais il y a aussi de l’optimisme dans ce geste, dont l’artiste suggère que seule la libération compte: le résultat importe peu. L’énergie de ce geste de recouvrir pour essayer encore domine l’ensemble, affirmé par la présence par ailleurs très construite d’un assemblage de planches et de tasseaux eux-mêmes aussi solidement arrimés au mur que la grande peinture semble se fondre sous sa couche de blanc appliquée à la va-vite. Eux, au contraire, évoquent fortement la possibilité du faire, l’autorité et la conscience sous-jacentes à ce type de geste. L’érection est sûre, agile, les différents éléments tiennent avec une élégance un poil crane sur des cales qui bien que ténues les ancrent fortement dans l’espace du mur. Leurs couleurs franches, camaïeux osés, s’affirment et rappellent dans une harmonie gonflée les couleurs des outils simulacres de la vitrine, dans une composition uniquement formelle qui semble réjouir la scène, démasquer toute intention plus conceptuelle qu’un rapprochement formel jouissif de plus, tout en faisant l’article pour une position sciente, désabusée, sur la création artistique et ses moteurs (production, représentation).
La boucle est bouclée. Des outils qui referont d’autres murs, découperont d’autres planches, des surfaces qui diront d’autres histoires, d’autres graphismes, des couleurs qui rappelleront d’autres perceuses, d’autres spatules. Un petit monde en construction. Un chantier de l’esprit. Des écritures passées et à venir. Les mots lourds de l’esthétique s’effacent alors enfin pour laisser la place à ceux, plus judicieux, du poète: vingt fois sur le métier...
Dorothée Dupuis, 17 septembre 2009