Nathalie Da Silva
"Dessins"
du 3 au 28 janvier 2012
Nathalie Da Silva
Expositions | |
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2012 | Galerie du Haut-Pavé |
2011 | Exposition collective LOCAL LINE 6 au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne |
2003 | Exposition Peintures – Installations – Performance au 112 rue Popincourt |
2000-01 | Résidence à la Cité Internationale des Arts Paris – Montmartre (Exposition collective ) |
1996-97 | Projet Erasmus – Étude de 4 mois aux Beaux-Arts de Lisbonne avec exposition |
Expériences professionnelles | |
depuis 2008 | Atelier Arts Plastiques au LAO pour jeunes mineurs isolés (Croix-Rouge Française) |
2005-09 | Atelier Arts Plastiques à l’U.P.H. (Unité Psychiatrique de la prison de Fresnes) |
2005-07 | Atelier Arts Plastiques au SAMU Social Ridder (XIVe) avec Association Tournesol « Artistes à l’Hôpital » |
Sans titre, 2010
180 x 150 cm, crayon de couleur sur papier
Vue d’atelier, 2011
Va-et-vient
« Celui qui commence par le signe aboutit très rapidement à une impasse, moi je suis allé des objets au signe »
Henri Matisse
IMPRESSIONS
Impressions 1
Une simplicité romane – une construction solide – un dessin spectral – une donnée physique blanche et sourde – une unité stable – un format anthropométrique – un univers mental synthétique.
Impressions 2
Un enchevêtrement baroque – un réseau noueux – une sonorité pop – un joyeux jeu de formes – un tableau en pièces – un format ouvert – un univers sensible atomisé.
GENÈSE
1 Fragments
« Les raves, les haricots, les pois, les grenouilles, les mulets, les anguilles, une cognée, un pot en fer, le fleuve, le soleil, une pelle, un couteau, une nasse, de la glu, tels étaient les instruments et les êtres qui me paraissaient nécessaires au bonheur »
Pascal Quignard – Le salon de Wurtemberg
Au départ, il y a saisie de tout ce qui dans le magasin d’images et de signes est offert par le réel. L’artiste ici construit par fragments de choses vues, mémorisées ou photographiées, fragments de choses découpées, prélevées dans déjà des images.
Ce sont ces pièces, ces brisures de réel et de signes que Nathalie Da Silva agence dans des structures combinatoires en utilisant un logiciel qu’elle s’est approprié car il lui permet de dessiner, de coller, de gommer, de déplacer des éléments de natures très diverses. Ce montage d’éléments épars et singuliers construit un espace sans lieu, sans origine, ni fin.
L’image se construit alors dans une durée faite d’errances et de repentirs nombreux qui rappelle la légende des argonautes : « ils remplaçaient peu à peu chaque pièce en sorte qu’ils eurent pour finir un vaisseau entièrement nouveau ».
2 Projections
Vient ensuite un autre temps de la constitution de l’image, il s’agit du report sur papier de grand format de l’image « bricolée » sur ordinateur. Ce report se fait par l’intermédiaire d’un épiscope qui permet d’agrandir et de projeter sur le support l’image à naître.
Loin de l’utilisation qu’en ont fait les hyperréalistes qui cherchaient dans cette technique un moyen de produire un réalisme photographique, l’utilisation qu’elle en fait est plus à chercher dans l’intérêt que Man Ray portait au procédé de solarisation : « J’ai découvert que l’image solarisée, imprimée au trait a une structure d’image d’une spécialité propre. Structure comme sont dans le corps humain les os qui soutiennent tout le corps […] l’image ainsi privée de détails a en soi toutes les qualités et toute la force nécessaire pour se montrer dans son évidence. »
Dans cette projection d’ombre, l’image gagne en organicité ce qu’elle perd en détail. Elle ne relève en effet, dans ce passage, que le tracé des contours, que le contraste de deux valeurs en clair-obscur. Les surfaces travaillées ensuite au crayon de couleur l’amènent à trouver une écriture aux dimensions nouvelles du grand format.
Ceci constitue encore une autre modalité de son dessin : l’inscription patiente de lignes comme tracées à la pointe sèche. Ceci donne aux surfaces un aspect strié, nervuré, qui fait songer au cœur filandreux d’une branche d’arbre. Ceci pour autant n’est pas là pour informer ou préciser la nature texturelle du motif, puisque ce traitement est donné à toutes les choses représentées du dessin : feuillages, barrières de bois ou de métal, herbes folles, rampes et marches d’escalier, formes qui ont perdu leur nom dans le patient travail de transposition du petit au grand.
3 La vie amoureuse des plantes
L’observation attentive du végétal a produit une féconde formulation abstraite dans l’art du XXe siècle ; que ce soit les dessins de plantes de Matisse, les plants drawings de Kelly, les fleurs de Cy Twombly ou encore la très belle série de Daniel Dezeuze intitulée la vie amoureuse des plantes.
Par-delà les écoles et les expressions, il semble bien qu’il y ait intimité de rapport entre le motif végétal et la voie abstraite et ce depuis l’inaugurale série des arbres de
Piet Mondrian.
Les dessins de Nathalie Da Silva pourraient s’inscrire dans cette filiation qui part du
motif pour aller vers le signe, en éprouvant de manière sensible les structures, les rythmes, les forces du végétal.
Du plus complexe au plus simple, le végétal conjugue l’évidence d’une présence vivante et la pure liberté d’une structure formelle.
Le phénomène de réplication dans la croissance des plantes trouve dans les dessins de Nathalie Da Silva un équivalent par la répétition d’un même motif qui subit de légères variations de grandeur ou de formes comme en écho, variations qui permettent de relier les surfaces entres elles, d’homogénéiser ce qui s’appréhende d’abord comme un puzzle.
4 Réplication, répétition, réseau
Dans l’exposition La fabrique des images, Philippe Descola présentait quatre grands systèmes de visions du monde.
L’un d’eux, l’analogisme appréhende le monde à travers sa diversité et tente de l’ordonner en trouvant des correspondances dans ses multiples singularités.
« L’analogie est utilisée afin de cimenter un monde rendu friable par la multiplicité de ses parties. »
C’est tout ce jeu de glissements, de déplacements, de correspondances, de dé-liaisons liées que Nathalie da Silva met en œuvre pour (je cite ici João César Monteiro) « tirer le réel de son inertie ».
Emma Ré, décembre 2012