Olivier de Coux

"Résultats 11 19"

25 mars au 19 avril 2008


Olivier de Coux

Né en 1968
1 impasse des Anglais
75019 PARIS
odcx@club-internet.fr
01 40 34 14 36 / 06 63 27 50 61
http://formatage341.free.fr

Expositions personnelles
2008Galerie du Haut Pavé, Paris
2002Galerie de l’Atelier de Sèvres
Expositions collectives
2007MAC 2007, Paris
Jardin des Arts, Chateaubourg
2006MAC 2006, Paris
Centre international d'Art Contemporain, Pont-Aven
20054e Printemps de la Sculpture, Chantilly
2004Musée Manoli, La Richardais
Galerie Ikkon, Rennes
2002-2004Élaboration du dispositif Formatage 341
2001Galerie des Arts, Pennes-d’Agenais
19994e Festival d’Art de Saint-Briac-sur-mer
Galerie des Urbanistes, Fougères
1997Galerie Ikkon, Rennes
1996Galerie du Placard - Projet de Gilles
Mahé, Saint-Briac-sur-mer
1994Galerie Ikkon, Rennes
Expérience professionnelle
2005Installation de l’exposition du collectif de graphistes H5, Paris
2003Intervention publicitaire Spot TV : Honda cog
2000-2001Enseignant à l’Atelier de Sèvres, Paris
Section croquis extérieurs (Palais de Justice de Paris)
1998-2000Enseignant à l’Institut Supérieur des Arts Appliqués, Rennes
Création de la section volume
Section croquis extérieurs (Hôpital psychiatrique de Rennes)
1995-2000Disposition d’un atelier de la ville de Rennes

Olivier de Coux - 1
4 lignes entrecroisées, 2007
acier soudé rouge 50 x 80 x 70

Olivier de Coux - 2
Résultats 11 19 (3/7), 2007
acier soudé et béton 30 x 30 x 19

Olivier de Coux - 3
Résultats 28 48, 2008
acier soudé 76 x 76 x 76 (x2)

Olivier de Coux - 4
Piramidal, 2005
acier 50 x 50 x 50

Olivier de Coux - 5
Section unique, 2007
projet d’implantation
acier soudé rouge 240 x 60 x 60 (x5)

Même dans ses oeuvres de taille modeste, Olivier de Coux atteint à une dimension architecturale qui renvoie aux grandes constructions médiévales bien plus qu’à l’acier des édifices postmodernes. Pourtant, l’angle droit, les sections carrées et le trait inflexiblement rectiligne ont bien peu à voir, en première lecture, avec l’arc roman ou avec l’ogive gothique. Cependant, à bien vouloir prendre le temps de l’observation et de la réflexion, il y est question, dans un cas comme dans l’autre, de contraintes, de saturation et de dissolution.
Contraintes
Laissons la parole à Olivier de Coux : « exploiter les multiples possibilités offertes par une ligne qui se développe dans la contrainte d’un espace déterminé. » N’est-ce pas l’expression du travail de base de l’architecte que de construire un espace, de le développer et de le structurer en donnant l’illusion de s’affranchir des contraintes des lois de la physique ? On peut y voir, aussi, un parallèle avec les travaux littéraires de Perec et des Oulipiens qui ne conquirent une liberté, apparemment sans brides, qu’au prix de la soumission spontanée à un jeu de contraintes extrêmes. On y perçoit aussi un écho lointain de la pensée augustinienne qui ne peut envisager la liberté sans l’existence de contraintes.
Le bâtisseur de cathédrales, tout comme celui de la modeste chapelle romane, intègre les dures lois de la pesanteur mais il sait les transcender et en faire un moyen pour mettre en avant l’élancement, le vide, l’absence… On en vient à oublier les contraintes de la gravité. Ses con­traintes, il ne les dicte pas – elles lui sont imposées par la physique –, mais il les défie et réussit à les faire oublier, à s’en faire un allié, au point de faire croire, parfois, au miracle. On imagine assez bien l’incrédulité des Florentins du XVe siècle devant l’avancée des travaux de Brunelleschi dirigeant la construction de la coupole de leur Duomo.
De Coux subit et intègre, lui aussi, les lois de la gravitation, mais il les trouve insuffisantes pour l’aiguillonner. Il s’en impose donc d’autres pour nourrir et stimuler sa créativité : sections carrées uniques, angles droits, rapports prédéterminés des longueurs des segments, inscription dans un espace virtuel prédéfini, giration...
Le miracle est que ces contraintes ne se perçoivent pas immédiatement quand on observe l’objet fini, pas plus que le nom de Newton s’impose au fidèle qui se recueille dans la nef d’une cathédrale. On suit les lignes du regard, on imagine leur continuité au-delà de l’espace dans lequel elles s’inscrivent. Elles imposent au spectateur de s’évader de leur réalité concrète, de leur présence immédiate, pour les interpoler ad infinitum. On est finalement assez proche, chez de Coux, des modèles génétiques, tel celui des fractales, où quelques règles prédéfinies, imposées à une cellule de base, déterminent les règles d’un développement que seules les contraintes d’une enveloppe extérieure limitent. On pourrait donc affirmer sans risque d’erreur que chacune des sculptures d’Olivier de Coux est autosimilaire.
Dans Formatage 341, 2006, une structure décomposable en 341 parts, chacune formalisée par contrat, de Coux donnait au spectateur la possibilité de devenir propriétaire d’une ou plusieurs parts d’une œuvre unique et de participer ainsi au développement d’une sculpture. L’artiste déclarait alors : « Mon objectif est d’activer une réflexion concernant la nature et la production d’une œuvre. Il va au-delà de la seule participation financière des acquéreurs. Je cherche à les emmener dans un système affranchi des règles contractuelles et artistiques classiques. » Mais cet affranchissement des règles ne se faisait qu’au prix de la mise en place d’un protocole inflexible et contraignant. Il s’agit donc plus, ici, d’un déplacement des contraintes que d’une élimination de celles-ci.
D’un point de vue plus superficiel, cette splendide réalisation, constituée de petits rectangles d’acier, plans et numérotés, développe dans l’espace comme un fragment de carapace de pangolin. Son aspect, courbe et enrobant, est rassurant, à la manière d’une cuirasse ajustée au corps, de la coque d’un navire ou du toit protecteur, en forme de carène inversée, d’une chapelle moldave. Prenant ainsi le contre-pied de Claudel, qui déclarait Dieu écrit droit avec des lignes courbes, on pourrait donc avancer d’Olivier de Coux que, tel le couvreur posant des ardoises sur un toit bombé, il écrit courbe avec des lignes droites.
Saturation
Olivier de Coux déclare, parlant de son travail : « Des plans imaginaires s’opposent à l’évolution et la ligne emprunte le seul trajet logique possible afin d’occuper le volume laissé praticable. » Sa démarche vise à investir un espace prédéfini et à le saturer, jusqu’à ce que plus rien ne soit possible sans violer les règles pré-imposées ni sortir des plans virtuels qui en constituent les limites intangibles. On est proche ici, dans une transcription dans l’espace tridimensionnel, de la technique du all-over des peintres qui éliminent la question des limites du champ – ici de l’espace – en investissant la totalité du champ pictural pour le faire se prolonger au-delà de ses bords.
Cette saturation laisse cependant une ample place aux vides. Elle donne au spectateur le loisir de prendre conscience des espaces interstitiels, de s’en imprégner et d’en prendre possession par l’esprit, comme Paulhan le soulignait : « Tel est l’esprit humain, même en voyage : il occupe à chaque instant tout l’espace dont il dispose. » Et l’image du voyage, du vagabondage, s’impose avec insistance. L'oeil, en effet, est incité à suivre les lignes, à découvrir leurs multiples paradoxes, notamment quand, comme un ruban de Möbius, elles reviennent sur leur point de départ sans avoir épuisé toutes les possibilités. On refait alors avec plaisir le même trajet, découvrant de nouveaux points de vue, des perspectives insoupçonnées. L’envie de substituer le doigt ou la main à l’oeil se manifeste alors avec force.
La répétition du même geste du regard ou de la main peut alors relever de la démarche possessive, répétitive et obsessionnelle du désir amoureux, comme Proust le constatait avec pertinence : « Pour posséder, il faut avoir désiré. Nous ne possédons une ligne, une surface, un volume que si notre amour l’occupe. »
Chez les bâtisseurs de cathédrales ou de sanctuaires plus modestes, la saturation de l’espace ne laissait de la place qu’à la présence divine, incitant l’esprit à l’élévation, à dépasser les limites physiques de la nef, du transept et du choeur. Autre forme d’amour, autre forme de sensualité, au sens étymologique de ce terme : l’ensemble de nos sens et leur activité, tel que saint Bernard la concevait dans ses Sermons.
La saturation dont il est question, ici, est tout d’abord celle de la logique mathématique, à savoir le caractère d’un système axiomatique auquel on ne peut adjoindre un nouvel axiome indépendant des autres sans provoquer la contradiction dans la théorie. Remplaçons le terme axiome par celui de contrainte ou de règle et nous avons une définition assez exacte de la démarche d’Olivier de Coux. Chacune des ses œuvres pousse à l’extrême les contraintes qu’il s’est imposées, jusqu’à buter sur leur limite, point déterminant alors la complétude de la composition.
Mais on peut aussi prendre ce terme dans son acception linguistique, lorsque l’on parle de la saturation d’un corpus : état d’un corpus tel que son dépouillement n’apporte plus d’infor­ma­tions nouvelles. Les sculptures d’Olivier de Coux sont « saturées » au sens linguistique, dans la mesure où, quand on a fini d’en prendre connaissance, le besoin s’impose de passer à une autre œuvre… Quitte à revenir, comme l’amoureux obsessionnel, à la première œuvre quand on pense avoir épuisé la série...
Tel l’amoureux volage qui, dans chaque conquête recherche l’essence de la femme idéale et inaccessible, le spectateur des sculptures d’Olivier de Coux va de l’une à l’autre, jouissant de leurs différences, mais s’imprégnant progressivement de leur essence commune, jusqu’à atteindre cet état de saturation où chacune des oeuvres vaut pour toute la série, comme un prototype matriciel qui contient en germe toutes les potentialités des autres.
Dissolution
Viollet-le-Duc, grand promoteur et restaurateur de voûtes et d’arcatures, gothiques ou romanes, déclarait : « Il n’est pas d’œuvre humaine qui ne contienne en germe, dans son sein, le principe de sa dissolution. » Cette dissolution appelle une ascèse, à l’instar de ce que Mauriac écrivait au sujet des grands hommes : « Sans doute faut-il, pour obtenir la dissolution de l’être dans la nature, une ascèse plus difficile que la botanique. »
Si les colonnes et les arcatures gothiques peuvent se dissoudre dans l’image de la futaie primitive, les sculptures d’Olivier de Coux ont, elles aussi, la capacité de se dissoudre dans quelque chose de plus vaste, de plus universel. Il y a ici, de façon assez paradoxale, une vision très romantique de l’œuvre d’art. En témoigne, par exemple, un photomontage dans lequel de Coux implante cinq de ses structures, peintes en rouge, devant un rideau d’arbres, le long d’une route. La volonté de fondre la série dans son environnement est patente. On y trouve, qu’on le veuille ou non, un écho à l’expression du désir inassouvi que le Faust de Goethe exprime avec tant d’intensité, ravivant un rêve ou un phantasme aussi vieux que la légende de Pygmalion et Galatée :
Ne devrais-je pas, par la force de mon désir,
Ramener à la vie l’unique figure ?
Sans tomber dans l’excès de Benjamin qui ne voyait la fin de la critique esthétique que dans la dissolution de l’oeuvre, la volonté de fusion de l’oeuvre dans son environnement est centrale dans la démarche d’Olivier de Coux. Ce n’est pas que sa sculpture se veuille utilitaire, décorative ou fonctionnelle. Elle ne satisfait à aucune de ces caractéristiques. La volonté de dissolution de la forme ne répond à aucun besoin contingent. Elle est gratuite, mais indispensable, inscrivant la création artistique dans un être qui récuse l’existant, elle s’oppose à lui, en une approche ontologique que ni Husserl ni Heidegger ne renieraient... Mais ceci est une autre histoire...

Louis Doucet, février 2008

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