Claude Cattelain

du 8 novembre au 3 décembre 2011


Claude Cattelain

Né en 1972 en Belgique
Vit et travaille à Valenciennes
claude.cattelain@wanadoo.fr
www.claudecattelain.com

Expositions, projections et performances personnelles
2011Galerie du Haut-Pavé
Performance Exosquelette – Un Air de Loire – Nevers (Centre d’art du Parc Saint Léger)
Performance Armature Variable – Musée des Beaux-Arts – Valenciennes
Performance de Chaise inclinée – Vitrine de la Table Ronde – Bruxelles
2010Performance Contre Vincent Herlemont – Galerie Ici ou là – Haubourdin
Performance Armature Variable – Chapelle Saint-Martin – Nevers (Centre d’art du Parc Saint Léger)
Exposition Dessin par combustions – Galerie l’Aquarium – Valenciennes
Performance Ytong – Lille Art Fair
Performance Contre Égide Viloux – Paris
Projection Vidéo – Sunday Screening – CCC.CLAUDE CATTELAIN CUTS – Galerie Éric Mircher – Paris
2009Performance Colonne Inversée – Galerie Carlos Cardenas – Paris
Exposition Instants Passagers – Maison d’Hôte le Grand Duc – Valenciennes
2008Performance Tracer Olivier Soulerin – Musée Matisse – Le Cateau-Cambrésis + projection vidéos et lecture
Exposition Pilotis Bunker et Performance Colonne empirique en ligne – Galerie l’Aquarium Valenciennes
2007Performance Colonne inversée de 18 blocs cubiques au carré – la soirée performance laps² – Galerie le Carré – Lille
Exposition vidéo et performance – Espace Croisé – Roubaix
Performance Migration – galerie secondRoom – Bruxelles – déménagement et installation
2006Performance Armature variable – L’Avant rue – Paris
Performance Rotor – galerie l’aquarium – Valenciennes
2005Performance Hook … accrochez-vous bien… – Valenciennes
Performance Ytong – Bruxelles
2004Performance Zonder Titel – dans le cadre de l’expo.35 h – Laboratoire d’Aubervilliers – Paris
Performance Sculpturarisk – Bruxelles
Performance Armature variable – atelier 1.3 – Paris

Claude Cattelain
3 blocs, 2005
vidéo, 3'18''

Claude Cattelain
Dessin combustion N° 22, 2010
traces de combustion sur papier, 210 x 150 cm


Claude Cattelain, performer
Claude Cattelain se définit volontiers comme « artiste performer ». Bien que le second terme semble restreindre les potentialités impliquées par le premier, il s’avère pourtant ici parfaitement indiqué, la polysémie du mot « performance » se révélant tout à fait significative.
Restriction tout d’abord. Claude Cattelain est à la fois vidéaste, dessinateur, concepteur d’installations, sculpteur ou encore photographe. On pourrait aussi bien le déclarer comédien, danseur et pourquoi pas chorégraphe. Mais l’essentiel n’est pas là. Qu’il dessine son corps et ses mouvements sur des feuilles grand format à l’aide d’allumettes (série des « Dessins par combustion ») ou qu’il réalise, à l’aide de ces mêmes bâtonnets calcinés, de minutieuses sculptures évoquant miradors et autres architectures de contrôles à la structure branlante, c’est bien le déroulement même de ces réalisations qui est montré au travers de l’exposition des objets finis. De même, qu’il utilise la vidéo comme simple outil de constat d’une performance publique ou qu’il conçoive de courtes séquences dans l’intimité de son atelier (voir notamment la série des « Vidéos hebdo »), le médium vaut toujours essentiellement pour ce qu’il donne à voir de ce que Claude Cattelain a fait. Performance donc : le parcours accompli pour parvenir à ce qui est montré importe plus que ce qui nous est donné à voir ou plutôt, ce qui est donné à voir n’est pas tant ce que nous voyons que l’ensemble du chemin qui mène à ce moment. Quant à l’objet de ces performances, disons, pour faire simple, qu’il s’agit du corps. Et ajoutons de suite que si le corps est l’objet principal des performances de Claude Cattelain, le corps de Claude Cattelain en est le sujet presque exclusif. Pour reprendre la distinction saussurienne, il s’agit d’un dispositif où signifié et signifiant se confondent : l’artiste montre essentiellement son corps en train de se mettre lui-même à l’épreuve. Une mise à l’épreuve du corps non pas « pour le plaisir » mais plutôt pour en cerner les limites (au risque d’ailleurs du déplaisir voire de la souffrance), pour en délimiter la présence au monde.
Pour ce faire, Claude Cattelain multiplie les expériences et refond systématiquement son dispositif de manière à s’assurer un accès toujours renouvelé aux contours de sa corporéité. Tandis que les « dessins par combustion » évoqués plus haut conduisent à une cartographie mouvante et incandescente de ses propres frontières physiques, une œuvre comme « Vidéo hebdo n° 23 » (dans laquelle l’artiste s’impose une séance d’apnée à l’aide de gros scotch) permet quant à elle une approche « pneumatique » de cette même réalité. D’autres types de délimitations subjectives sont encore expérimentées : « Vidéo hebdo n° 2 » documente les aptitudes musculaires de l’artiste (en nous le montrant tournant sur lui-même tout en soulevant un parpaing de béton au bout d’une corde) tandis que « Don’t try » ou encore « Vidéo hebdo n°46 » mettent en évidence ses propriétés d’équilibre1.
On le voit le type de dispositifs auxquels recourt Claude Cattelain afin de proposer une caractérisation limitative de sa propre personne requiert presque toujours une manière de mise à l’épreuve. En dernière analyse, il s’agit de révéler les points de rupture, de déterminer ce que le corps est à même de supporter. Supporter, performer : de par leur polysémie comme de par leur appartenance à un même champ lexical, ces deux termes soulignent incidemment un des aspects fondamentaux de l’œuvre de l’artiste à savoir sa proximité avec la pratique sportive.
Le travail de Claude Cattelain semble en effet partager avec le sport certaines de ses principales caractéristiques. De fait, il s’agit dans les deux cas d’une activité physique requérant certaines qualités telle que l’endurance, la souplesse, la coordination… Dans un cas comme dans l’autre c’est le geste de la réalisation qui a valeur en soi2 et l’ensemble de la « partie » se joue dans le respect de règles établies3. Ces deux types de pratiques – performance artistique d’une part et performance sportive d’autre part – sont en outre de nature foncièrement improductive et ludique. Enfin et surtout, il est généralement admis que l’activité physique permet l’accès à une conscience approfondie de soi (le plus souvent pensée en termes de résorption de la traditionnelle dichotomie âme / corps) et il n’est pas incongru de considérer la démarche artistique de Claude Cattelain4 comme relevant de cette même quête ontologique.
Mais comparaison n’est pas raison et si la performance de l’artiste se rapproche de bien des manières de la performance sportive, si elle partage avec celle-ci certains de ses moyens, elle ne poursuit bien entendu pas les mêmes fins. La réappropriation de soi à laquelle conduit in fine la pratique d’un sport n’est, dans la démarche artistique de Claude Cattelain, qu’une étape ou plutôt qu’un moyen en vue d’autres objectifs. Elle n’est qu’un moment de la dé-monstration. Au travers de ses multiples expérimentations portant sur les limites du corps et de son inscription dans l’espace, Claude Cattelain s’interroge non pas spécifiquement sur sa seule enveloppe charnelle mais sur la condition humaine dans son ensemble.
La mise à l’épreuve du corps de l’artiste par l’artiste dépasse à la fois sa et la seule corporéité. Claude Cattelain est un artiste engagé, non dans le sens généralement admis de cette expression mais au sens strict d’artiste s’impliquant personnellement et physiquement dans son travail. Pourtant son corps n’est ici que le sujet d’expériences valant pour tout à chacun. À la manière d’un Nietzsche dressant son autoportrait complet (ne nous épargnant pas même ses ennuis gastriques) en guise de fondement à sa méditation sur la condition humaine, l’artiste joue de son corps pour dresser le portrait de l’Homme : « ecce homo »…
La gratuité du geste sportif, l’apparente absurdité du geste performatif fait ainsi écho à la vacuité de l’existence. Ici le jeu n’a pas vocation de divertissement. Il agit comme révélateur de l’absurdité de notre condition. Et si l’humour n’est nullement absent de ce dispositif c’est sans aucun doute que larmes et lamentations ne sont pas de mise. Comme notre corps dont il nous est loisible de jouer pour mieux nous l’approprier, notre existence n’a de signification que celle que nous voulons bien lui conférer dans un geste qui – à notre corps défendant – nous fait accéder au statut de l’artiste.

Johan Grzelczyk, 50° Nord. Revued’art contemporain, n°2, 2011, pp.98-101

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